Thursday, October 28, 2010

Conflits de voisinage

    Les champs de thés peuvent être une créer des tensions entre les villages. Étant donné la montée des prix récente, les vieux théiers sont à la fois une source de revenu et de prestige importante. Chaque famille a sa parcelle attitrée au sein d'une grande forêt de théiers. Pourtant, il arrive que deux villages se disputent un champ de thé. Voici deux exemples:



1-Jingmai Shan

    Au sommet de Jingmai se trouve un immense plateau rempli de théiers sauvages appelé Da Ping Fang. La majorité du thé du village principal appelé Jingmai provient de cet endroit. Une jolie route traverse le champ et mène aux autres villages du coin.

Route principale sur le sommet de Jingmai Shan


    Notamment au village appelé Mangjing qui se situe sur la montagne éponyme. Bien que proche de Jingmai, cette montagne offre un thé assez différent. Leurs champs de vieux théiers se trouvent autour de leur villages, loin de Jingmai. La montagne de Mangjing est occupée par les Bulang tandis que la montagne de Jingmai est habitée par les Dai.

    Les champs de Mangjing sont moins impressionnants que le grand plateau de Jingmai. Du coup, dans les dernières années, les habitants de Mangjing ont emmené les visiteurs sur le plateau de Jingmai en disant que les théiers leur appartiennent. Il paraît qu'un des habitants de Mangjing s'est même rendu jusqu'à Pékin pour faire la promotion de son village qui jusqu'alors vivait dans l'ombre de Jingmai.

On trouve beaucoup de théiers de cette taille sur le plateau

    Les Dai de Jingmai se sont fâchés. Après plusieurs combats entre les deux villages, les Dai ont bloqué la route, rendant la vie difficile aux habitants de Mangjing. Pour se rendre à la ville la plus proche, les Bulang sont obligés de prendre cette route. Il y a eu plusieurs cas rapportés de Dai embusqués le long de la route et attaquant les Bulang de Mangjing. Cette année, les deux villages ont décidé de construire une nouvelle route qui contourne le plateau. Quand elle sera terminée, les Bulang de Mangjing n'auront plus le droit d'utiliser la route du plateau.


La nouvelle route contournera le plateau pour se rendre a Mangjing
 



  Il n'y a pas de police dans les montagnes. On peut donc assister à des combats assez violents et il arrive souvent qu'il y ait des blessés grave, voire des morts.



2- Yiwu Shan

    Pour faire simple, deux villages Yao: Gua Feng Zhai et Ding Jia Zhai, se partagent trois champs de thé situés très loin dans la montagne. Ding Jia Zhai est à l'Ouest des champs tandis que Gua Feng Zhai est au Sud.

Les champs de thés se trouvent entre sur les pentes entre les deux grosses montagnes.

    Depuis les deux villages, il faut plusieurs heures de marche pour accéder aux théiers. Le thé issu de ces jardins se vend très cher. Comme il y a peu de monde dans la jungle, il arrive que des cueilleurs aillent délibérément récolter les théiers de l'autre village.


    Cette année, au printemps, des habitants de Gua Feng Zhai ont été pris en flagrant délit par les Yao de Ding Jia Zhai. S'en est suivi une altercation, le conflit a dégénéré et chaque village a appelé des renforts. Au final, c'est plus d'une centaine de Yao qui s'est battu dans un des champs. Comme certains avaient des fusils à poudre noire, la bataille s'est enlisée, elle aurait duré dix heures. Cette fois ci, plusieurs dizaines de policiers sont venus de tout le Banna pour mettre fin au conflit. Bilan: beaucoup de blessés léger, 5 blessés graves et plusieurs personnes en prison...


    Ces conflits de villages peuvent être très compliqués. On ne sait pas trop pourquoi on se bat, on a juste en mémoire la dernière altercation... Un jour on se bat, l'autre jour on fait du commerce. Les relations entre les habitants, entre les villages, entre les ethnies, sont assez complexes.


    Toujours est-t-il qu'à part les Lahu qui vivent vraiment reclus, je ne ressens pas de racisme particulier entre les minorités. Il est courant de trouver plusieurs ethnies dans un même village et cela ne pose pas de problèmes. Pour les mariages inter-ethniques, cela dépend des endroits.


Temple Dai, Jingmai

    Pour finir, vous pouvez voir que le monde du thé n'est pas seulement fait de salons Zen et de belle porcelaine. Dans une tasse de thé, il y a beaucoup d'Histoire...

Sunday, October 24, 2010

Yiwu Shan

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   Yiwu est sans doute la montagne à thé la plus connue dans le monde du Pu Er. C'est la plus importante des six grandes montagnes à thé. La figure de proue de l'industrie du Pu Er en quelque sorte.

    Yiwu est le nom d'une petite ville à laquelle est rattachée une zone très vaste: il y a beaucoup de villages et donc beaucoup de thé différents.
La rue principale d'Yiwu


    Sur les contreforts d'Yiwu, on remarque une quantité très impressionnante de Tai Di sans biodiversité. Encore une fois la contrepartie d'une forte popularité.

Sur la route d'Yiwu

    Le terroir le plus populaire de Yiwu est situé aux alentours de la ville principale. Mahei est le village le plus connu, il est situé à neuf kilomètres de Yiwu. Autour de Mahei, on trouve les villages de Luo Shui Dong, Da Qi Shu et Man Xiu. Les quatre villages ont des caractéristiques semblables. On peut les regrouper sous un même terroir. C'est de ce terroir que provient la majorité du Gu Shu d'Yiwu.
Aux alentours de Mahei


    Cette zone est majoritairement peuplée par les Han: les vrais chinois. Cela explique l'architecture différente des habitations. Les théiers sont situés au sommet de la montagne, ils ne se trouvent pas à l'intérieur d'une forêt mais dans des zones défrichées aux alentours des villages.
Ils sont taillés pour faciliter la récolte, par conséquent, vous verrez peu de grands arbres à Mahei. La pente est par endroit importante mais le terrain est très dégagé. La cueillette est assez facile.

Certaines pentes sont très abruptes


    On peut considérer ces théiers comme semi-sauvages. Certains sont centenaires, ils ont beaucoup d'espace pour se développer mais sont tout de même très entretenus. Ce terroir n'offre qu'une qualité de thé: Les jeunes arbres et les vieux théiers sont récoltés ensemble. Il n'y a pas de Tai Di non plus.



Presque tout le thé de Mahei provient de ce genre de théier


    Sur la route de Mahei, on pourra croiser un petit chemin pavé: c'est l'ancienne route du thé. Elle passe par tous les villages des six grandes montagnes à thé puis traverse toute la Chine pour se rendre à Lhassa, Pékin et Canton. Autrefois, les galettes étaient amenées à dos d'âne à Pékin pour être offertes comme tribut à l'empereur ou vendue à prix d'or aux amateurs. Ce voyage nécessitait plusieurs mois. Cela aide à comprendre pourquoi on compresse le Pu Er au lieu de le transporter en feuilles entières.

Un théier survivant sur l'ancienne route du thé

    Au nord de ce premier groupe de villages, la région est beaucoup plus sauvage, les routes sont en mauvais état, peu praticables par temps de pluie. Les paysages sont magnifiques: de grandes collines très abruptes et couvertes d'une jungle dense. Le Laos n'est qu'à quelques dizaines de kilomètres.

    On croise peu de monde, on voit peu d'habitations. Cette zone est majoritairement peuplés de Yao. Cette ethnie est peu présente en Chine. Dans le Banna, on la trouve dans l'Est, aux frontières du Laos. Les Yao n'enferment pas les animaux. Cochons, poules et chiens se baladent en liberté sur les routes et dans les villages. Cela se ressent dans la qualité de leur viande: les animaux ne sont pas stressés. Cela pose aussi quelques problèmes d'hygiène.

Comme chien et chat


    Cette partie d'Yiwu est vraiment en retrait, très peu de touristes la visite, la plupart des acheteurs viennent de Taiwan et de Canton. Quinze ans auparavant, le thé ne coûtait presque rien. Les Yao ont donc décidé d'abattre beaucoup de vieux arbres pour planter du riz. Autant dire qu'ils s'en mordent les doigts aujourd'hui...



Ding Jia Zhai, un village Yao


    Ainsi, il reste peu de ces théiers anciens. Ceux ci sont très éloignés des habitations. Depuis le village de Gua Feng Zhai, il faut marcher quatre heures à travers la jungle pour arriver aux champs de thé les plus éloignés. Les cueilleurs partent le matin, récoltent les théiers dans l'après midi, traitent les feuilles sur place dans de petits ateliers de fortune, passent la nuit dans la forêt et reviennent le lendemain.

Il faut marcher deux heures pour accéder a ces théiers


    Cet éloignement protège les théiers de toute pollution mais cela pose aussi des problèmes de manufacture...


Sur la montagne d'en face, on peut apercevoir les champs de Gua Feng Zhai, il faut marcher quatre heures pour y accéder. Notez les petites maisons dédiées a la manufacture.


    En effet, les habitants d'Yiwu ne sont pas très branchés nouvelles technologies. Il y a peu d'ateliers de traitement dans la région, cela signifie que chaque famille traite ses feuilles elle-même. Les infrastructures sont assez rudimentaires: pas de Sha Qing Ji, pas de machines à rouler et peu de serres. Pendant la saison des pluies, le thé a beaucoup de problèmes. Il met trop de temps à sécher et cela donne des Pu Er légèrement acides et peu aromatiques. Par temps de pluie, il faut environ trois jours pour que le thé soit suffisamment sec. En plein soleil, une poignée d'heure suffit.

Le séchage est une étape importante


    Aussi, certains thés sont contaminés par des odeurs étrangères, ils peuvent avoir un goût de fumée. Cela peut être dû à un stockage dans un endroit mal approprié ou à une mauvaise ventilation lors du Sha Qing. Encore une fois, du fait de la montée des prix, certains producteurs essaient d'améliorer leurs techniques de traitement. Beaucoup restent tout de même trop négligents.
Aire de repos près des théiers de Gua Feng Zhai

    Encore plus au nord, à la frontière du Banna et de Simao, on arrive à Man La. Un grand village, plus petit que Yiwu. Aux alentours, on trouve des Han, des Yao, des Yi, des Hani, des Dai... Yiwu est la montagne la plus diverse en terme d'ethnies. Dans cette zone, beaucoup de Tai Di. Des jeunes comme des vieux. Une part infime de très vieux arbres, loin dans la forêt. Mais surtout, beaucoup de plantations d'hévéas.

    Encore une fois, il semble que le thé ne soit pas la production principale dans les six grandes montagnes à thé. Ces montagnes ont une histoire mais vivent sur leur passé. Il ne reste que peu d'arbres anciens et laissés à l'état sauvage. Le lieu de production principal du Pu Er, c'est surtout l'ouest du Banna et la région de Simao. Pourtant, tout amateur de Pu Er a entendu parler d'Yiwu. Cela explique pourquoi les galettes de cette région peuvent atteindre des prix très importants. Bien souvent en Chine, le nom est plus important que la qualité...


Il reste très peu de grands arbres a Yiwu

    Le thé d'Yiwu est en général peu amer. Je trouve que même s'il est assez doux, ils provoque beaucoup de sensations physiques. A mon sens, le plaisir de ce terroir est à chercher dans la bouche et à l'entrée de la gorge. Ce n'est pas le genre de thé qui descend très profond. Il est plutôt du genre à s'étaler sur le palais en provoquant un assèchement agréable de la bouche: le Kou Gan. Les arômes peuvent persister plusieurs heures. Il faut le boire pour le croire!

    Comme beaucoup d'autres terroirs du Xishuangbanna, ce genre de thé n'est pas particulièrement aromatique. Cela n'explose pas dans la bouche comme un Pu Er de Lincang ou un wulong. C'est un thé qu'on boira surtout pour les sensations en bouche et le feeling.
Yiwu, c'est la force tranquille...


Au bout du monde...

Friday, October 15, 2010

La diversité du Pu Er

Pourquoi chaque Pu Er est-il si différent?

    Énormément de paramètres influent sur ce que l'on obtient dans la tasse. Aujourd'hui, je vais essayer de détailler les principaux facteurs qui modifient le goût du Pu Er.

1-les feuilles fraîches:

    La matière première est déterminante dans la qualité d'un thé. Les feuilles fraîches peuvent provenir de théiers plus ou moins âgés, situés à des altitudes différentes (en gros de 500 à 2300m dans le Banna).


Les plus hauts théiers de Nan Nuo Shan
  
     Le champ de thé peut être entretenu ou laissé à l'abandon et seulement visité lors des récoltes. Les théiers peuvent être entourés d'une végétation luxuriante ou au milieu de rien. Ils peuvent pousser sur des pentes très abruptes ou sur un plateau. On peut les tailler régulièrement ou les laisser pousser librement.

Dans l'enfer vert...
    Chaque région a une variété de théier qui lui est propre, on trouve couramment plusieurs variétés poussant sur un même terrain. La météo du Banna est très compliquée: il y a beaucoup de micro-climats, et donc beaucoup d'environnements différents.

    Ces paramètres ont une influence sur l'absorption de la lumière, de l'eau et des minéraux par le théier.

    L'Homme fait aussi partie de l'écosystème: c'est lui qui récolte le théier. Si le thé vaut cher, il aura tendance à mettre plus de pression sur les théiers et à les récolter plus souvent. Même la crise économique a une influence sur le théier perdu au fond de la jungle.

    Ce que l'on cueille sur l'arbre va bien sûr influer sur le thé: on peut récolter beaucoup de grandes feuilles ou ne prendre que les bourgeons; la longueur des tiges joue aussi sont rôle.

    Vous pouvez faire une expérience avec n'importe quel thé en vrac: infusez séparément les bourgeons, les feuilles et les tiges. Cela vous aidera à comprendre ce que chaque élément ajoute à la liqueur.

    Une fois les feuilles fraîches récoltées, il se passe un certain temps avant qu'elles soient manufacturées. Cela peut aller d'une poignée d'heure à une journée. Pendant que les feuilles patientent, elles meurent, elles s'oxydent.


2- La manufacture:

    Faire du Pu Er cru (sheng cha) est assez simple par rapport aux autres thés. C'est ce qui fait sa force: le Pu Er reste proche de la nature, il est peu transformé. On peut respirer l'air de la montagne et manger sa terre en dégustant un Pu Er.

    Bien que la transformation du Pu Er ait une influence moindre que pour les autres types de thés, elle reste tout de même très importante. La plupart des manufactures ratées sont dues à la négligence du producteur et/ou au manque d'infrastructures (serre de séchage, entrepôt).

    -le sha qing peut être fait à la main dans un wok ou en machine. Un traitement à la main réussi procure un thé de meilleur qualité. La machine donne des résultats plus réguliers et des feuilles plus jolies.

    -le roulage manuel donne un aspect différent à la feuille mais est long et fatiguant. Le but du roulage est de faciliter l'évaporation de l'eau contenue dans les tiges. Si les feuilles ne sont pas suffisamment roulées, le séchage est plus long et le goût du thé est altéré. Le roulage en machine est souvent préféré et n'a apparemment pas d'influence sur le goût du thé.

    -la plupart du temps, on fait le sha qing le soir, après la journée de cueillette. Du coup, les feuilles, réduites, roulées mais pas encore sèches attendent sont conservées une nuit avant d'être étalées au soleil, le lendemain matin. Ce temps d'attente peut varier.

Ces feuillent vont patienter une nuit avant d'être étalées au soleil

    -Le séchage est une étape cruciale, un mauvais séchage est la cause de beaucoup de thés ratés. Il faut que le thé sèche assez rapidement pour éviter que la feuille fermente. Mais il ne faut pas que le thé sèche trop. Il faut savoir arrêter le séchage à temps. C'est une étape délicate puisque difficile à contrôler.

    -les conditions de stockage dans la montagne ont elles aussi une influence sur le thé. Le thé est rarement bien stocké, souvent exposé à des odeurs fortes. Heureusement, le bon thé de printemps reste rarement plus d'une semaine dans les fermes. Dans les endroits réputés, les acheteurs sont nombreux.

3-Le vieillissement:

    Sous forme de mao cha, le thé change très vite, particulièrement dans les conditions chaudes et humides du Banna. Le mao cha peut être compressé immédiatement après l'achat mais la plupart du temps, on le laisse s'aérer. Cela peut être quelques semaines, quelques mois, voire quelques années après qu'on le compresse.

    En galette, le thé est plus ou moins compressé. Une compression forte ralentit le vieillissement et rendent le thé moins sensible aux odeurs extérieures. Si la galette est peu compressée, les feuilles sont plus faciles à extraire.

    Les grandes manufactures choisissent souvent une compression forte. A mon avis, c'est justement pour limiter les changements dûs aux conditions de stockage. De cette façon, le thé sera moins altéré par de mauvaises conditions de stockages. Le but étant d'habituer le consommateur à un goût particulier, il faut que les galettes se ressemblent au maximum.

    Si vous avez un ami buveur de thé qui a la même galette que vous et qui habite loin. Il peut être intéressant de comparer les deux même références. Les différences peuvent être surprenantes.
De même, vous pouvez extraire des feuilles d'une galette jeune, attendre un mois, puis infuser côte à côte avec des feuilles fraîchement extraites de la galette.
Simplicité, sérénité

4- la préparation:

    Chaque personne a sa méthode pour mélanger des feuilles à de l'eau chaude. Je dirais qu'il n'y a pas une bonne façon de faire, l'important, c'est qu'au final, le thé vous convienne. Certains aiment les thés bien costauds et préfèreront un temps d'infusion long tandis que d'autres enchaineront les infusions rapides. Je ne suis pas partisan de l'infusion faite à la seconde près: infuser un thé, c'est comme ressentir le rythme en musique, cela doit se faire « au feeling ». Si un chronomètre peut servir à contrôler ou à faire des expériences, il ne doit pas dicter votre dégustation. C'est toujours au coeur d'avoir le dernier mot.

用心泡茶!




     Voici quelques réponses à la question: « comment classer les Pu Er ». Si on veut faire des groupes précis, on n'est pas sortis de l'auberge, et moi, je viens à peine d'y entrer. A mon sens, c'est ce qui fait la différence entre un Pu Er et un Tie Guan Yin. Quand on demande un Pu Er, on ne sait pas du tout sur quoi on va tomber. C'est un peu le thé des aventuriers.




Wednesday, October 13, 2010

Hekai






C'est une petite montagne située au Sud de Menghai: 150Km² et 6 villages. Cet endroit a plusieurs particularités. Tout d'abord il est habité par les Lahu, une ethnie très séculaire du fait de conflits avec d'autres populations. La plupart des habitants de Hekai ne parlent que le dialecte Lahu. Les habitants sortent très peu de cette montagne, beaucoup ne sont jamais allés à Menghai, pourtant à une heure de moto. Ils sont en mauvais termes avec les Dai qui vivent au pied de la montagne. Ils vénèrent les chiens, en liberté dans les villages. L'architecture est légèrement différente de celle des autres minorités et leur langage semble très différent des autres dialectes. La communauté s'ouvre depuis quelques années et voit passer de plus en plus d'étrangers: Hekai est la route principale pour aller à Lao Banzhang...


Cette montagne qui pointe à 1800m d'altitude réunit une quantité impressionnante de vieux théiers. On dit que c'est la plus grande forêt de vieux arbres dans le Banna. En effet, on voit peu d'autres cultures et très peu de Tai Di au sommet de la montagne.
On trouve beaucoup d'arbres de cette taille sur le sommet

Du fait de l'altitude, le jardin à thé a souvent la tête dans les nuages. Le climat est donc frais et humide. Il peut givrer en hiver mais jamais assez longtemps pour tuer les théiers.


Comme à Jingmai, il est très facile de se déplacer dans la dense forêt de Camélias. Peu de végétation basse, on se croirait presque sur une pelouse de golf. Les grands arbres sont disposés de façon très clairsemée: ils donnent peu d'ombre aux théiers. La pente est douce ce qui, j'imagine, limite le ruissellement des eaux de pluie et augmente le taux d'humidité du sol.


Très peu d'arbres à Ku Cha, il faut descendre encore plus au Sud (Bulang, Mengsong) pour en trouver. A Hekai, c'est une variété à feuilles « petite-moyennes » qui occupe le terrain. Cette variété donne à la liqueur un côté très doux et aromatique. On peut différencier deux terroirs:

-Lao Man Nong, Xin Man Nong et Lao Man Mai sont sur le sommet de la première montagne, ils partagent les même théiers.

-A 20km de là se trouve Lao Ban Pen. Ce village est situé à 2km de Lao Banzhang et en partage donc beaucoup de caractéristiques. Les Lahu de Banpen vendent une partie de leurs feuilles aux Hani de Lao Banzhang...


Dans le fond, la montagne de Lao Ban Zhang
Pas d'atelier de traitement dans les villages que j'ai visité. Je n'ai pas vu de sha qing ji non plus. Par contre, j'ai été agréablement surpris par les bonnes conditions d'hygiène qui règnent sur cette montagne. Les wok que j'ai croisé étaient très propres et le thé est séché dans de belles infrastructures. Un exemple en matière de manufacture!






Le séchage est effectué dans de bonnes conditions
Hekai est un bon exemple pour démontrer qu'un même nom de montagne ne signifie pas forcément un même terroir. Banpen pourrait très bien être identifié comme un thé de Bulang ou Lao Ban Zhang pour un thé de Hekai. C'est juste une question administrative: Lao Banzhang dépend de la ville appelée Bulang tandis que Banpen dépend de Menghun.

Voilà pourquoi il ne faut pas trop enfermer les thés dans des classes strictes. Chaque théier, chaque champ, chaque village, chaque région; produit un Pu Er différent.


Friday, October 8, 2010

Les plantations de thé

    La plupart du thé que l'on boit est issu de théiers de plantation. Dans le Yunnan, on appelle communément ce thé Tai Di Cha. Ce terme a une connotation négative et est très évité dans les magasins.

    En effet, le Tai Di a mauvaise réputation, on le dit arrosé de pesticide, très mauvais à boire, contrôlé par de méchants capitalistes qui se fichent de l'environnement et ne pensent qu'en terme de rendement.

    Depuis que je suis en Chine, je me bas contre les clichés. Aujourd'hui, je vais tenter de démontrer que le thé de plantation dans le Banna n'est pas forcément ce que l'on croit.

Quand on pense Tai Di Cha, on voit ça:


Pas un tif sur le cailloux
   De grandes plantations sur des collines dénudées...

     La biodiversité dans le champ est très importante pour obtenir un bon thé. En effet, les végétaux apportent de la richesse au sol et de la richesse aromatique au thé. S'il n'y a pas d'autres arbres, les insectes se réfugient sur les théiers et peuvent les rendre malades. Dans ce cas, il faut traiter le théier avec des produits phytosanitaires. Si l'écosystème de la plantation est équilibré, il n'y a pas besoin de traiter.

Pas besoin de traiter si l'écosystème est équilibré

    Beaucoup de plantations comportent de nombreux végétaux différents. Il faut se mettre à la place du producteur. Traiter les théiers augmente le rendement, évite la corvée du défrichement à la main, facilite les déplacement dans le champs. Mais ces produits phytosanitaire ont aussi un certain coût, rendent le producteur dépendent et fragilisent l'environnement. Il est finalement assez risqué d'avoir une plantation dénudée d'autres arbres. D'autant plus que le mao cha issu de ces plantations se vend à un prix ridicule... Un petit producteur a tout intérêt à favoriser la qualité au profit de la quantité et la plupart agissent de la sorte.


Dans le nord d'Yiwu

Aux alentours de Menghai
    Les plantations en terrasse sont le modèle le plus répandu. Sur un champ en terrasse, on peu planter les théiers très serrés pour un maximum de rendement à l'hectare. De plus, cela rend la cueillette très facile: on peut récolter plus de dix kilos de feuilles fraîches par heure. La contrepartie est que les théiers ont peu d'espace pour se développer et sont en compétitions les uns les autres. Le thé sera donc de qualité inférieure.



    Cependant, on trouve d'autres modèles de développement. Certaines plantations laissent plus d'espace aux théiers. La compétition est plus faible, les théiers ont plus de nutriments pour se développer.



Ces théiers ont de la place pour se développer

Ici, les théiers ne sont pas organisés en terrasses
    Enfin, dans certains cas, on laisse pousser le théier librement, sans le tailler. Cela rend la cueillette plus difficile mais rend le thé plus endurant.


Ces théiers ne sont pas taillés

    Ainsi, je pense que le thé de plantation doit aussi trouver sa place chez l'amateur de thé, il n'y a pas que du mauvais Tai Di. D'ailleurs, il n'est pas si facile de faire la différence entre certaines vieilles plantations et du théier sauvage.

    Les vieux théiers gardent tout de même des atouts majeurs face aux jeunes plantations. Ils sont plus endurant, souvent plus puissants et complexe et surtout, je trouve qu'ils procurent de meilleurs sensations. Les jeunes théiers ont une fâcheuse tendance à tout balancer dans les trois premières infusions puis à devenir très astringents et plats.
Huimin, près de Jingmai

    Visuellement, il est très difficile de faire la différence entre thé de plantation et thé sauvage. L'apparence du thé dépend surtout du type de feuilles et de la manufacture. Cela dit, je trouve que souvent, les feuilles de Tai Di sont plus agréables à l'œil que les feuilles de théiers sauvages. Gouter le thé reste encore la méthode la plus efficace pour les distinguer.

    Cela dit, je pense que si on boit du thé pour le plaisir,il vaut mieux l'apprécier sans activement chercher à faire la différence entre théiers sauvages et théiers de plantation. Mieux vaut se dire: « a cet instant T, j'aime ce thé et pas celui là ». Je pense que l'expérience fera le tri elle-même. D'ailleurs, je constate que certains buveurs occasionnels préfèrent le Tai Di au Gu Shu parce qu'ils ne font pas quinze infusions et que finalement, un blend de Tai Di comme le font les grandes manufactures, cela peut donner de bons résultats.